lundi 14 septembre 2015

Interview sur RFI du Pr. Muyembe, co-découvreur d’Ebola : «Il faut soutenir les chercheurs africains»

Pr. Muyembe, co-découvreur d’Ebola : «Il faut soutenir les chercheurs africains»
Diffusion : jeudi 4 juin 2015

 Pr. Muyembe, co-découvreur d’Ebola : «Il faut soutenir les chercheurs africains»
C’est l’un des deux hommes qui ont permis la découverte du virus Ebola. En 1976, Jean-Jacques Muyembe est de retour dans son pays, la RDC [alors le Zaïre], après des études de médecine, lorsque le général Mobutu décide de l’envoyer à Yambuku, dans le nord du pays pour enquêter sur une mystérieuse épidémie qui sévit alors. Des prélèvements sanguins qu’il effectue alors permettront ensuite l’identification de ce nouveau virus baptisé Ebola. Pour ses travaux, le professeur Jean-Jacques Muyembe s’est vu remettre hier, mercredi 3 juin, le prestigieux prix Christophe Mérieux 2015 de l’Institut de France. Il répond aux questions de Florence Morice.
RFI : Est-ce que l’Afrique de l’Ouest en a bientôt fini avec Ebola ? Comment voyez-vous l’avenir de l’épidémie aujourd’hui ?
Professeur Jean-Jacques Muyembe : Le problème, c’est la Guinée. Nous devons absolument arriver à éradiquer cette maladie en Guinée. Il ne faut pas laisser la maladie devenir endémique. Il faut que la communauté comprenne qu’il y a un danger et se mobilise pour détecter les derniers cas dans le village et dans la forêt. C’est même une surveillance de porte à porte.
Est-ce que vous redoutez que le virus ne devienne endémique avec des flambées de temps à autre ?
C’est ça la crainte. Il y aura d’autres épidémies qui vont venir. Nous devons être vigilants et renforcer nos structures de surveillance dans les pays africains, et surtout la formation du personnel soignant aussi, parce que c’est le personnel soignant qui détecte les premiers, les cas.
Lorsque vous avez commencé à travailler sur Ebola dans les années 70, est-ce que vous aussi, vous avez été confronté aux réticences de la population face aux mesures destinées à lutter contre la maladie ?
Dès le départ, nous avions compris que Ebola est une maladie socioculturelle. Nous allons là-bas, nous bousculons les habitudes : on interdit ceci, on interdit cela. Et chez nous en RDC, dès le départ et avant même de commencer de monter les centres de traitement, ça a été de mobiliser d’abord la population, d’informer la population. En RDC, le président de la République est engagé, le Premier ministre est engagé, le ministre de la Santé est engagé. Nous avons une expérience de quarante ans. Tandis que ces pays de l’Afrique de l’Ouest n’ont connu qu’une épidémie. Donc ils étaient surpris. La réaction a été timide. On l’a un peu négligée. On s’y est pris tard. Or pour cette maladie, il faut une réaction vigoureuse dès le départ et un engagement des communautés dès le départ.
Face à ces critiques, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé la mise en place d’une structure d’urgence avec un fonds dédié. Est-ce que cette réponse vous semble adaptée et à la hauteur des enjeux ?
Pour moi le plus important, c’est de renforcer les structures de santé des pays africains et de former les Africains eux-mêmes à détecter cette maladie et à lutter contre cette maladie. Le plus important, c’est ça. Ce n’est pas dire, nous allons mettre des millions qui vont servir aux experts. Non, on met les millions pour renforcer les structures, transformer les hôpitaux africains qui manquent même de désinfectants, des gants de protection etc.
Ça veut dire, sortir peut-être d’une logique d’urgence et entrer dans une logique globale qui mette l’accent sur la prévention et l’efficacité des systèmes de santé locaux ?
Exactement, c’est ça.
On a vu apparaître ces derniers mois ce qu’on a appelé « le syndrome des survivants », à savoir une cécité partielle ou totale, des troubles de l’audition, des douleurs articulaires. Est-ce que ça vous surprend avec l’expérience et le recul qui est le vôtre ? Avez-vous une idée de ce que peuvent être les conséquences sur le long terme de la maladie ?
En 1985, nous avions déjà décrit cela. Et ce que nous avions déjà remarqué aussi, c’est que les survivants avaient une boulimie qu’on ne pouvait pas imaginer. En 1985, nous avions décidé qu’on devait leur donner des rations alimentaires supplémentaires parce qu’ils avaient faim tout le temps.
Des symptômes qui, d’après votre expérience, durent longtemps ?
Ils durent très longtemps. A Kinshasa, par exemple, j’ai quelques survivantes qui ont des problèmes de stérilité, des troubles des règles. Il y a même des syndromes psychiques. Ça, ça dure longtemps. C’est depuis 1985. Donc jusqu’à présent, il y en a qui se plaignent encore.
Donc il faudrait aujourd’hui encore à suivre ces survivants ?
Il ne faut pas lâcher les survivants, les laisser à eux-mêmes. Il faut un suivi.
Le prix Christophe Mérieux-2015 que vous avez reçu est doté de 500 000 euros. A quoi allez-vous utiliser cet argent ?
Ce qui m’intéresse le plus, c’est chercher à comprendre quel est le réservoir du virus. Nous pensons beaucoup au rôle que peuvent jouer les chauves-souris. Nous allons continuer de récolter des échantillons et à les analyser pour vraiment chercher à mettre la main sur les réservoirs. Ça reste l’énigme scientifique sur Ebola. Si nous connaissons les réservoirs du virus, il y aura moyen de mettre des mesures de prévention pour éviter les flambées comme celles que nous avons en Afrique de l’Ouest. Ce prix pour moi, c’est un symbole. C’est un signal fort pour dire qu'il faut renforcer les structures de recherche en Afrique. Les chercheurs africains, il faut les soutenir. Ils travaillent dans des conditions difficiles et le rôle qu’ils jouent, c’est un rôle important. Si nous détectons les épidémies en Afrique à ce niveau-là, nous, nous évitons que l’Europe, les Etats-Unis soient infectés. C’est un rôle important que nous jouons au front.
Aujourd’hui, il n’existe toujours aucun traitement ou aucun vaccin homologué, mais de nombreux travaux sont en cours. Parmi les pistes qui sont à l’étude, y en a-t-il une qui vous semble plus prometteuse que les autres ?
Commentaires : Nous essayons de vous faire partager ces informations car avec le temps qui court, cela échappe à certains. Gody MUNAP (Lyon/France, 14/09/2015)

jeudi 10 septembre 2015

L’inquiétante pénurie de l’anti-venin FAV-Afrique (D'après Chloé Hecketsweiler, le Monde.fr - Afrique du 9 septembre 2015)


Le Monde.fr
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L’inquiétante pénurie de l’anti-venin FAV-Afrique

Le Monde.fr Le 09.09.2015
C’est un outil précieux que perdront les médecins africains fin 2016. A cette date, les derniers lots de FAV-Afrique, un sérum anti-venin très efficace contre la morsure de serpents, auront été épuisés. Et il n’y aura pas de nouvelle livraison : Sanofi, son inventeur, a arrêté en 2014 la fabrication, faute de clients. « Quand la décision a été prise en 2010, nous ne vendions plus que 5 000 doses contre 30 000 quelques années auparavant », explique Alain Bernal, porte-parole de Sanofi-Pasteur.

Pour Médecins sans frontière (MSF), le FAV-Afrique était inabordable pour la majorité des patients. «  A 100 euros la dose, le marché était nécessairement limité », insiste Julien Potet, responsable des campagnes d’accès aux médicaments essentiels au sein de l’ONG. Ironie de l’histoire, les 20 000 dernières doses ont été écoulées en six mois. Un record.
D’autres anti-venins sont commercialisés en Afrique, en majorité fabriqués par des laboratoires indiens. Moins chers, ils sont aussi nettement moins efficaces. « FAV-Afrique est l’un des rares produits capables de neutraliser le venin de dix serpents à travers l’Afrique subsaharienne, et qui a prouvé son efficacité à sauver des vies », insiste MSF.
« Une maladie négligée »
De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) constate « l’arrivée sur certains marchés de sérums inadaptés, non testés, voire contrefaits », et s’inquiète de la rupture de stock « imminente » d’anti-venins efficaces alors que les morsures de serpent concernent 5 millions de personnes par an et sont la cause de 100 000 décès. Et environ trois fois plus souffrent de graves séquelles (le plus souvent liées à une amputation). Les enfants sont les premières victimes, en raison de leur faible corpulence.
Sanofi est en discussion avec plusieurs laboratoire susceptibles de reprendre la production de son sérum. « Mais on ne se bouscule pas », reconnaît Alain Bernal. Le business model n’a rien d’évident, comme c’est le cas pour la plupart des médicaments destinés à des patients peu ou pas solvables. L’OMS ne dispose ainsi d’aucun programme officiel pour lutter contre les morsures de serpents, considérées comme « une maladie négligée ».
« Actuellement, aucun important bailleur de fonds ne finance le coût du traitement [malgré] l’ampleur des décès et des blessures causées par des morsures de serpent », regrette MSF. « La question est également négligée dans bon nombre des pays les plus touchés, avec des gouvernements et des ministères de la santé qui ne parviennent pas à former le personnel de santé dans le diagnostic et la gestion des cas d’empoisonnement par morsure de serpent ». Une étude à pourtant démontré qu’il s’agissait d’une des interventions les plus rentables en matière de santé publique.
« Prendre des mesures immédiates »
Dans la savane africaine, on compte plus de 100 morsures par an pour 100 000 personnes, avec un taux de mortalité de 10 à 12 % en l’absence de traitement.
Selon MSF, la pénurie de FAV-Afrique, se poursuivra au moins jusqu’à la fin de l’année 2018 et se traduira par « d’innombrables décès »« Les acteurs mondiaux de la santé, les bailleurs de fonds, les gouvernements et les compagnies pharmaceutiques doivent assumer leur part de responsabilité face à cette négligence et considérer les morsures de serpent comme une crise de santé publique face à laquelle ils doivent prendre collectivement des mesures immédiates et appropriées », conclut MSF.


Commentaire : Suite à ce qui précède, voilà une information pertinente qui devrait concerner les Dirigeants africains et faire prendre conscience à certains Gouvernements au Sud du Sahara de la nécessité de transférer des technologies et des licences de production biomédicale y afférentes. Il y va de la santé publique des populations exposées aux dangers des morsures des serpents. Mais hélas ! Il doit exister des lobbies des Laboratoires asiatiques de fabrications des faux médicaments et de la contrefaçon qui n’aimeraient surtout pas voir une telle fabrication des sérums s’installer en Afrique ; ce qui nuirait à leurs intérêts mafieux.   Gody Munap (Lyon, 10 septembre 2015)